Miroir de nos peines, Pierre Lemaître, Albin-Michel
Pierre Lemaître l’avait promis, sa trilogie Les enfants du désastre puissamment entamée avec Au-revoir là-haut, Goncourt 2013, se termine avec ce troisième opus Miroir de nos peines.
Fidèle à l’ambition de son auteur de s’inscrire dans la tradition des grands feuilletons du XIXe siècle, l’épopée se conclue avec la Seconde Guerre mondiale, de la Drôle de guerre à la Débâcle. On y suit, Louise, tout petit bout de chou croisé dans Au-revoir là-haut, devenue une jeune-femme mélancolique, aux aventures rocambolesques, en compagnie du bien rondouillard monsieur Jules, bistrotier faisant office de substitur paternel. Comme précédemment, Lemaître construit avec dextérité une famille d’aventuriers qui, plus que l’intrigue, vous collent aux doigts qui tournent les pages -et oui, je lis à l’ancienne, sur du bon papier blanc, qui sent l’encre et le bel ouvrage. Au milieu de tous ces premiers sujets, ma préférence ira à Désiré, imposteur surdoué, qui au fil du récit passe de profession en profession avec maestria et mensonge éhonté, Lemaître se révélant aussi bon dans la comédie que la tragédie, vous allez bien vous marrer. Voilà pourquoi, on ne raconte pas l’intrigue de ce troisième volet, parce que ce n’est pas le problème. Comme les séries de plateforme, les personnages font tout le boulot dans cette histoire et ils le font bien. Si cette lecture est tout à fait passionnante, on n’y retrouve pas non plus le souffle du premier opus dont la scène d’ouverture était du grand art. Ayant eu du mal avec le second, je ne dirai pas que c’est mauvais mais pas très bon non plus. Il y a une petite mécanique d’écriture qui commence à transpirer un peu. Si je me permets cet avertissement, c’est que la saga est certainement l’évènement blockbuster de la rentrée et que ce livre n’a pas besoin de moi pour trouver ses lecteurs addictifs. J’en suis ravie pour eux et Pierre Lemaître, car écrire ou lire n’a jamais tué personne. Quant à la critique, elle est parfois difficile et comme le dit l’auteur dans Livre Hebdo : « Ecrire c’est moins de l’inspiration que de la transpiration » , ce récit sent un peu la transpiration quand même. Jeanne Thiriet